"Accueille de la nouvelle associée"
La porte de la salle d’attente s’ouvre et la gentille dame des ressources humaines s’approche de moi avec douceur.
GDRH, avec bonté : «Madame W, je vous présente Rollande, l’adjointe de votre nouveau vice-président.»
Elle se tasse pour révéler une grosse rouquine qui ressemble étrangement à Guy A. Lepage en Madame Brossard de la rue Brossard à Brossard. Je m’attends à ce qu’elle dise «Oui allo!», mais je serai déçue.
Rollande, en mâchouillant son Excel extra menthe : «Envoye, déguedine la petite nouvelle des relations pubiques, j’ai pas juste ça à faire, moé, des "accueilles de nouvelles associées". Faut que j’sois revenue à mon bureau pour 9h10, Sonia pis moi on va fumer dans le stock room. »
Elle me tire par la manche et me pousse sans ménagement vers le corridor blafard. La porte des ressources humaines se referme au ralenti, comme dans une scène de Grey’s Anatomy quand le grand gaillard en civière qui joue au basket professionnel s’en va se faire amputer une jambe. Je me dis finalement que mon changement de carrière pourrait facilement attendre un an ou huit, rien ne presse, et que si je suppliais mon ancien patron, il me reprendrait sûrement, à moins qu’il n’ait déjà entendu les fâcheuses rumeurs d’utilisation de l’imprimante couleur à des fins personnelles (i.e. P-O-R-N-O B-E-S-T-I-A-L ) que j’ai immaturement répandues à son sujet avant de partir. Bien mal prise, je lui dirai que je voulais me venger de la fois au party de Noël où, malgré mes chaudes avances imbibées de Bailey’s Irish cream, il a choisi la belle Clara de la facturation pour danser un slow collé collé. (Ok, c’est pas vrai tout ça, mais c’est la survie de ma famille qui en dépend après tout. Bon ok, peut-être pas la survie, quand même l’été s’en vient, et le statut de déesse requiert de l’entretien coûteux et intensif). Il devrait être tellement pogné qu’il oubliera le reste et me réembauchera presto! CQFD!
Perdue dans mes pensées, je viens seulement de me rendre compte que nous avons pris l’ascenseur qui mène au quatrième sous-sol. La porte s’ouvre sur des murs en faux stucco noircis par l’exhaust et la mauvaise haleine. Rollande me pousse de toutes ses forces hors de l’ascenseur et me crie d’aller trouver Lisa pendant que les portes se referment. Son rire diabolique me résonne dans les oreilles bien après qu’elle ait débarqué au rez-de-chaussée.
Je m’engage dans le dédale du quatrième sous-sol, pour me retrouver toujours aux mêmes portes d’ascenseur. Je fouille dans ma sacoche désespérément pour trouver des petits cailloux que je pourrais laisser sur mon passage à la manière de Petit Poucet, mais manque de pot, je ne traîne plus ma collection de roches dans mon sac à mains depuis le 11 septembre. Don’t ask.
Finalement, je vois de la lumière qui émane d’une fissure dans le stucco. Euréka! Il s’agit d’une porte secrète. Enfin, je pense que c’est ça. Coûte que coûte, j’arriverai à l’ouvrir, parole de déesse dodue! J’ai un MBA, oui monsieur, je suis la relève, la prochaine génération de jeunes leaders dynamiques et innovateurs! Dès lors, je m’emploie à frotter, caresser, licher le stucco, mais sans succès. Un peu découragée, dans un geste teinté de désespoir, je retire mon châle de bohémienne, commence à détacher ma blouse et mon soutien-gorge avec l’intention de flasher mes totons à la maudite porte… Si c’est ça que ça prend…
Voix mâle horrifiée en arrière de moi : «Mais qu’est-ce que vous faites?»
La blouse toute ouverte, le soutien gorge en bataille, le châle en boule et le sac à main éventré à mes pieds, je me retourne. Yé, c’est mon nouveau patron, celui que j’ai rencontré une seule fois un gai matin d’été et qui m’a choisie pour occuper le poste prestigieux de conseillère en communications. Je me rends compte en plus que je porte, inexplicablement, mon vieux soutien-gorge d’allaitement super confortable mais qui pue un peu le vomi de petit bébé.
LadyW, essayant d’expliquer lamentablement : « C’est pas ce que vous croyez… C’est parce que là il y avait une craque, de la lumière… je voulais trouver Lisa, je pensais que c’était une porte secrète…»
Nouveau patron, se tournant vers son adjointe Lisa qui vient d’apparaître à ses côtés : «Appelle les ressources humaines, ils nous ont encore envoyé une folle. C’est la troisième ce mois-ci. Maudit que j’suis tanné, elles ont l’air ben correct en entrevue, pis là si c’est pas qu’elles sniffent du liquid paper, c’est qu’elles ont un coach de vie imaginaire, ou qu’elles se mettent toutes nues pis se frottent à du stucco…»
LadyW, en se rhabillant tant bien que mal : «Non, non, je vous assure, je suis normale, c’est un malentendu…»
Nouveau patron, blasé : «Ah oui? Alors comment ça se fait que votre châle est en feu?»
LadyW : «Ben là, je sais pas de quoi vous parlez… Mon châ…»
Je sens une odeur de brûlé et me rends compte que mon châle est en feu, probablement à cause de Lisa qui avait postulé pour la position de conseillère en communications. Nouveau patron fait semblant de ne rien voir, dégoûté par le soutien-gorge d’allaitement nauséabond. Et dire que je n'aurai même pas eu l’occasion de dévaliser le placard à objets promotionnels. Maudit. Les murs se referment, le quatrième sous-sol s’embrase et je me réveille.
6 commentaires:
Bon retour parmi nous chère Déesse. Dis-moi, ce que tu fumes avant de te coucher, il t'en resterait pas un peu des fois?
Quel plaisir de vous lire à nouveau ô Déesse... mais vous me fîtes frissonner par bouts.
Puis-je vous conseiller de souper léger, les rêves sont plus jolis?
Et pour vrai, il est bien ce nouveau boulot?
Sally fée, je vois ce que je peux faire... Mais honnêtement, rendue au vendredi, il ne reste plus grande chose à fumer chez moi, figurativement ou littéralement parlant ; )
En direct des îles, ce n'est pas le souper le problème, c'est l'imagination fertile! Le nouveau boulot, pour le moment du moins, est absolument impec, je suis pleine de bonheur!!!!
la madame de brossard est rendu à Candiac en passant, elle à déménagée!
Les Dianes te love!
J'ai tellement ri en lisant ce billet !! tellement :o)))
Et j'étais tout étonné rendu à la fin de lire que c'était un rêve.
Merci pour ce moment de joie.
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