Histoire de famille
Début de la tranche de vie : le 21 août 1993, 9h34
Infirmière moustachue : «Là madame, il va falloir se dépêcher, on n’a pas juste ça à faire, nous, rassurer les petites mamans pleines d’hormones… Vous allez être correcte : vous avez votre brochure du gouvernement et le CLSC devrait vous téléphoner la semaine prochaine…»
Jeune maman affolée : «Non, non. Vous pouvez pas me retourner chez nous. J’ai encore mal vous-savez-où, il est minuscule et tout rouge, pis en plus il braille tout le temps!»
IM, un peu sèchement quand même : «Ah ça madame, c’est pas notre problème. Il aurait fallu y penser y’a à peu près neuf mois, non…?»
Elle me remet le banc d’auto rempli de nouveau-né, mon sac à couche gigantesque et un stock impressionnant de serviettes sanitaires format cathédrale. Je m’assieds sur le trottoir en attendant Mari Chéri qui est allé récupérer notre Pontiac 6000 1982 au centre d’achat en face pour ne pas avoir à payer le stationnement.
Le siège d’auto couine. Je me retourne pour examiner de plus près la créature poilue qui logeait dans mon abdomen à peine 48 heures plus tôt. J’ai une petite envie de pleurer, mais je ne suis pas sûre que j’ai toujours le droit d’être terrifiée. C’est que je suis une maman maintenant, ce qui requiert certainement un minimum de dignité et une bonne dose de bravoure. Peine perdue. Je fonds en larmes en regardant mon fils qui par ailleurs est complètement indifférent à la quasi-tragédie grecque qui se déroule sous ses yeux.
«Tu vas voir mon amour. Je vais être une bonne maman. Je ne te forcerai pas à porter des chandails bleu pervenche ou des bottes lunaires. Tu pourras boire du Orange Crush avec tes céréales le matin et manger tous tes bonbons d’Halloween le soir même si tu veux. Je ne critiquerai jamais tes amis ou ta blonde à moins qu’elle ne soit pyromane ou psychopathe ou les deux. On va être une famille, une vraie. On va s’aimer envers et contre tous.»
Je sanglote maintenant pitoyablement, le nez enfoui dans le pyjama Petit Bateau. J’entends une toux discrète et lève la tête. Mari Chéri est debout, là, l’air inquiet et amusé à la fois. «Des bottes lunaires? C’est quoi ça?»
Je sèche mes larmes et me lève subitement «Laisse faire. C’est entre mon fils et moi. Aide-moi donc avec le petit et les sacs... J’ai pas juste ça à faire, moi, pleurer comme une Madeleine. J’ai une famille à élever. »
Fin de la tranche de vie : le 21 août 1993, 9h47
2 commentaires:
Je comptais beaucoup sur un «gène» de la maternité qui kickerait après l'accouchement. Mais ce mythe s'estompe de plus en plus autour de moi. Je ne suis même pas encore enceinte et je meurs de trouille d'échapper mon futur bébé sur la tête. Finalement, les mamans, elles font seulement SEMBLANT de tout savoir d'avance!
Marsouine: mais bien sûr qu'il existe le fameux gêne! Il vient avec le gêne du ménage!
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