8 juin 2007

À la rescousse de Desjardins

Puisque je sais que vous venez me lire pour réfléchir (ou pour entendre parler de poils, pénis ou Patrick Huard, ça dépend…), permettez-moi de me porter au secours d'une entreprise qui en a vraiment besoin, et qui ne dispose pas d'une armée de conseillers en relations publiques aux salaires faramineux pour broder une histoire qui a de l'allure. M'enfin.

Je parle du Mouvement Desjardins et de la tendance fâcheuse des Québécois à avaler tout rond n'importe quelle controverse savamment tricotée par nos médias en manque de Loft Story et de Karla Homolka.

Voici le résumé de l'affaire. C't'une fois un terrain vague en banlieue de Montréal qui a servi de dépotoir lors de la construction du tunnel Hippolyte-Lafontaine. Ce terrain a été acheté dans les années quatre-vingt par une méchante compagnie d'assurance qui voulait sûrement faire du gros cash sale sur le dos des pauvres petits oiseaux vert fluo (à cause des rebuts chimiques) et pneus percés sans défense qui y avaient trouvé logis. Pendant de nombreuses années, la compagnie a entretenu le terrain, payé les taxes municipales s'y rattachant et a même tenté à maintes reprises de le vendre au gouvernement du Québec à prix d'ami pour agrandir le parc des îles de Boucherville. Le gouvernement québécois fait la contre-offre alléchante suivante: Desjardins pourrait donner le terrain au parc de Boucherville, et bénéficier du généreux programme de don écologique du gouvernement fédéral (!). La ville de Longueuil quant à elle plaide le manque d'argent et se désespère probablement de voir des millions de dollars en revenus de taxes potentiels lui glisser entre les doigts à cause des bonnes intentions du géant vert (c'est correct, car elle se rattrapera quelques années plus tard avec les fusions municipales qui transformeront les millions en milliards de toute façon).

En 2006, un promoteur véreux (même s'il ne l'est pas, c'pas grave, c'est plus sexy) offre d'acheter le fameux terrain et s'engage non seulement à le décontaminer mais aussi à respecter les recommandations des études environnementales réalisées jusqu'à maintenant. En échange, Desjardins réalise un profit modeste mais surtout récupère son investissement initial, ce qui lui permet par ailleurs de remplir sa responsabilité fiduciaire de bien administrer l'argent de ses membres. Tout le monde est content, on écrit le communiqué de presse, et rendez-vous en 2009 pour la visite d'un magnifique faux manoir de 7200 pieds carrés avec vue sur la 20.

Not.

La nouvelle de la transaction soulève un tollé de protestations de toutes parts, et nombre de lettres à l'éditeur sont envoyées aux quotidiens montréalais. Les mots capitalisme sauvage sont utilisés. Des petits malins qui auraient été incapables de situer l'île Charron sur une carte la semaine dernière débarquent avec leurs appareils photos afin de croquer des images de chevreuils gambadant gaiement dans la végétation fragile. C'est donc laid le développement quand on met en danger l'Environnement avec un grand E.


Sauf que… Mettons que c'est facile de parler de protection de l'environnement confortablement assis à son ordi un mardi soir quand personne ne fouille dans nos poubelles pour voir si on a recyclé, composté, consommé de façon responsable… Mettons aussi que quand il faut choisir entre la rentabilité de ses placements personnels et le mieux-être de la collectivité, la collectivité ne gagne pas souvent. Enfin, mettons que même si des fois on voudrait poser un grand geste humanitaire, les circonstances et nos moyens nous forcent à calmer notre joie. Desjardins est une grande entreprise certes, mais elle aussi aux prises avec les mêmes problèmes de cohérence que vous et moi. C'est juste l'étendue qui change.

Je ne dis pas qu'ils ont bien fait de vendre le terrain à un promoteur qui compte construire mille millions de condos potentiellement affreux sur un petit coin de terre qui faisait la joie de plusieurs cyclistes du dimanche. Je dis juste que c'est dangereux de décrire ce genre de véritable dilemme éthique comme un conte de Walt Disney avec Bambi et le méchant chasseur qui veut lui faire la peau.

4 commentaires:

Petits Petons a dit...

Personellement, je vote pour Pan-Pan!
Comment ça, c'est pas la question? Je vote pour Patrick Huard debord?

Sinon, c'est le genre de dessous que j'adore, merci de partager.

Anonyme a dit...

Que veux-tu Desjardins a beaucoup de sociétaires au Québec... qui rêvent déjà d'avoir un condo là... alors les gens n'y voient rien de répréhensible.

Ils auraient dû donner le terrain... oui donner et non le vendre à la société des Parc qui s'occupe de l'Ile Charron.

Anonyme a dit...

Je discutais justement de cette histoire avec mon chum l'autre jour: lui il trouve ça épouvantable qu'on vende un terrain au bord de l'eau pour faire de l'argent au lieu d'en faire profiter la collectivité; moi j'aime mieux qu'on utilise ces terrains inutilisés à proximité de la ville pour y construise des habitations, au lieu de continuer à gruger des terres arables pour y étaler des mini-manoirs et des autoroutes. Comme vous dites, je n'ai jamais vu ce terrain, alors je ne peux pas dire qu'il va me manquer... C'est vrai qu'on a tendance ici à crier au scandale dès que quelqu'un a une idée pour faire de l'argent. La seule question qui me turlupine, c'est : par ou ils vont passer les 7000 nouveaux résidents pour aller à MTL ou dans le 450? Par la pont tunnel? Messemble qu'il est déjà assez congestionné...

Anonyme a dit...

Frappez-moi, hier après-midi j'ai passé par là en revenant de QC et je me suis surprise à dire que ça ferait une belle place pour mon condo!!!

C'est vraiment un beau coin!