2 mars 2007

Mon ami Wajdi

J'ai un ami célèbre. Ok, on ne s'est pas parlé depuis des lustres, il ne me mentionne jamais dans ses entrevues à Radio-Canada, mais je sais que j'occupe une place spéciale dans son cœur. En tout cas, je pense bien. Enfin, j'imagine.

On avait 16 et 18 ans, et on s'est fréquentés quelques mois. Pas la peine de contacter le Lundi (''la Déesse dodue et l’Auteur songé : vingt ans d’amourrrrre!''), rien de croustillant, rien que des plaisirs strictement intellectuels, des soupirs aspirant à plus (mes soupirs plus que les siens j’avoue) et une amitié bâtie sur une attirance mutuelle. Je le trouvais beau et spirituel, il me sentait trop gourmande et dégourdie à son goût. Ça n'a pas marché, pas comme ça en tout cas, et pourtant…

Et pourtant, nous étions de bons amis, voilà. Je me rappelle bien la dernière fois que je l'ai vu, à l'automne 1991. Je me mariais dans deux semaines, avec Mari Chéri, que vous connaissez déjà, et qui méritera bien son propre chapitre de gentillesses bientôt. Wajdi et moi avons partagé des Dim Sum, parlé de nos aspirations, de nos rêves. Il m'a dit qu'il finirait sa vie tout seul, je ne l'ai pas cru, et pourtant…J'étais secrètement contente: lui qui m'avait rejetée, et moi qui avait trouvé mon quelqu'un si facilement. La vie est bien douce sur le moi parfois.

Deux ans plus tard, j'attends mon premier fils et je passe en avant du Théâtre St-Denis. C'est une de ses pièces qui est à l'affiche, un de ces thèmes évocateurs et vaguement fantastiques qui lui ont toujours plu. Mon quotidien me semble bien insipide tout d'un coup, je ne peux m'empêcher de jouer à si…S'il avait voulu de moi…Si j'avais insisté... S’il n'y avait personne d'autre…

Ce soir-là, je lui écris. Je lui parle de ma vie, de mon enfant, je l’invite à me téléphoner. J'ai la tête remplie d'images de soupers intimes à la maison, de conversations animées sur l'avenir du théâtre québécois, de silences gênés quand mon chum veut aller se coucher parce qu'il trouve ça plate, et que nous voulons continuer à parler. De regards furtifs, de désirs inavoués. Je lui présenterais sa première épouse, une fille qui me ressemble un peu mais pas trop, peut-être pourrons-nous collaborer pour sa prochaine œuvre? Je lui poste la lettre chez son frère le lendemain.

La lettre est restée sans réponse. J'aime à penser que c'est parce qu'il ne l'a jamais reçue, ou qu'il est jaloux de mon bonheur. Ceux qui savent que je le connais me parlent parfois de lui, de ses grands principes qui lui jouent parfois des tours, de son génie. Je me contente de sourire distraitement, d'acquiescer: c'est vrai qu'il est brillant. Dommage qu'il soit si malheureux en amour.

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Je crois qu'avoir pu refaire le monde avec lui autrefois doit être un souvenir fantastique. Je suis une admiratrice de ce beau Wajdi...de son monde, de son ton, ce qu'il dépeint dans ses pièces, de sa spiritualité...
Je suis donc, par conséquent, très impressionnée par toi déesse...Tant qu'a avoir un amour inasouvi et impossible....

(Malheureux en amour tu dis, hein....? Tu crois qu'il est sur réseau contact, dis?)

Nah, je blague...

Anonyme a dit...

Déjà à 20 ans, il était pas mal sérieux, un peu plate finalement, mais bon, comme tu le dis si bien, tant qu'à avoir un amour inassouvi et impossible...

Réseau contact tu dis? Peut-être sous la rubrique jeune auteur torturé? Merci de tes bons mots ; )