12 février 2007

Nostalgie, partie I

Début de la tranche de vie : 28 octobre 1986, 17h54

Oh my God, oh my God, Oh my God! C’est ce soir! Je suis tellement excitée que je n’arrive pas à attacher mon soutien gorge. C’est vrai que je l’ai acheté cet après-midi chez Eva B. et que les crochets sont un peu maganés, même disons inexistants en majeure partie. C’pas grave, j’ai l’intention de mettre ma nouvelle blouse en satin par-dessus et d’attacher le tout avec mon énorme broche en fausse Pierre du Rhin turquoise. Ça va être é-coeu-rant…

Parlant de la blouse en satin, je me rappelle que je n’ai pas eu le temps de faire poser des boutonnières chez la couturière. J’admire mon œuvre : pas pire, compte tenu que je l’ai cousue moi-même avec les restes de ma robe de bal et mes vagues notions de couture de secondaire II. Elle est un peu croche (droit fil, je te hais), mais bon, il fera noir, j’aurai ma broche, et si je la laisse un peu ouverte sur ma nouvelle brassière, ce ne sera pas l’absence de boutonnières qui sera remarquée… Hé hé hé.

Le téléphone sonne. Je baisse Bauhaus et je prends le combiné : c’est le Chum Rose.

Chum Rose, survolté : «Allo! J’suis déjà au métro. Quand est-ce que tu pars?»

LadyW : «J’allais prendre la 13 de six heures vingt.»

Chum Rose : «Oui, mais le show est à huit heures. Demande un lift à ton père…»

LadyW (contemplant le trio brassière trouée, blouse asymétrique et broche monstrueuse) : «Euh non, il va falloir que je me change dans les toilettes à Berri. On se rejoint à 7h40 en avant du St-Sulpice. Achète-moi une couple de bières en cannette, je vais les mettre dans mon sac pour boire pendant le spectacle.»

Chum Rose, hésitant : «T’es sûre? Tu sais quel effet ça te fait, la bière chaude…»

LadyW, assaillie par une image mentale de tord boyau explosif : «Une bouteille de cidre d’abord. Oublie pas la paille.»

Je raccroche et me dis que je suis donc chanceuse d’avoir un amoureux comme Chum Rose. Lui il me comprend, m’accepte telle que je suis. C’est pas grave s’il écrit de la pouésie songée sur notre amour éternel et que mes parents le trouvent têteux. Je l’aîîîme!

Je termine de me sécher les cheveux et la bouteille de Final Net est presque vide : parfait. Je m’admire dans le miroir : toupet crêpé, babines gigantesques ocre, eyeliner à l’égyptienne. Je suis enfin prête. J’enfile un chandail noir sur ma jupe noire et enfouis la blouse en satin noir dans mon sac à main noir.

Je descends les escaliers doucement, et tente d’ouvrir la porte de l’entrée sans être repérée par les parents qui écoutent Lance et Compte dans la salle familiale.

DaddyW : «Lady, est-ce que c’est toi? À quelle heure tu reviens?»

LadyW : «Ben là, j’sais pas. Minuit, minuit et demie? De toute façon, je vais être avec Chum Rose. Inquiétez-vous pas pour moi.»

J’ai profité de la conversation pour me faufiler à l’extérieur et refermer la porte sans écouter la réponse de DaddyW . Je m’élance vers l’autobus qui arrive. Je suis libre, libre! Libre de laisser cours à la déesse en moi, libre de célébrer la vie, la mort, le samedi soir! Libre de vivre à 100 milles à l’heure, libre de me donner toute entière à la danse, à la passion, à l’amour.

Jusqu’à minuit, minuit et demie.

Fin de la tranche de vie : 28 octobre 1986, 18h22 dans la 13

4 commentaires:

Taïga a dit...

Le 28 octobre 1986, je fêtais mes huit ans... Donc vous deviez en avoir au minimum 8 de plus que moi ce jour là. Je vois bien la jeune Déesse de 16 ans partir à la conquête de la liberté!

Anonyme a dit...

Ah tiens.......comme c'est drôle, moi, à ce même moment, même heure, même date, même année, j'étais en train d'accoucher de ma 1ere fille. J'avais 19 ans....

Anonyme a dit...

28 octobre 1986... c'est à peu près le moment ou j'ai perdu ma virginité - pas physiquement, car c'est officiellement arrivé 6 mois avant, mais c'était tellement nul que je trouve que ça ne compte pas. Non, octobre 1986, j'avais presque 17 ans, c'était à peu près le temps ou j'ai découvert que s'envoyer en l'air ça pouvait être pas mal trippant. Moi aussi, habillée en noir, full crêpée, pis toute le kit!

Catheryne a dit...

En 1986, j'étais probablement quelque part dans les projets futurs d'enfants de mes parents...:)