15 janvier 2007

Thérapie

Ça faisait longtemps que mon entourage (bon, ok, ma mère) me suggérait d’aller voir un psychologue. « Ça va te faire du bien. » « Tu devrais te faire prescrire des pilules. » « C’est pas normal de manger une douzaine de Krispy Kreme toute seule. » (Ok, pour les pilules, elle avait raison.)

C’est juste que dans mon livre à moi, la thérapie, c’est pour Woody Allen et les faibles. Moi je suis forte, et j’ai un Mari Chéri qui peut bien écouter mes problèmes, et au pire aller, y’a rien qu’une petite bouteille d’Asti Spumante avec un roman de Jackie Collins ne peut pas régler. Je ne suis pas une femme compliquée.

Mais bon, dernièrement je sentais un vide. Une insatisfaction que même Krispy, Asti ou Jackie n’arrivaient pas à me faire passer. Une boule d’angoisse impossible à digérer (vous allez me dire que c’est les beignes, mais non, c’était pas le même jour). Donc, j’ai décidé d’y aller pour voir.

Le jour de ma première session, j’étais indécise : quel est la tenue de mise pour aller en thérapie? Tenue de ville grise et déprimée? Tutu rose et casque de moto fluo? Je choisis le tut…oups, non la tenue de ville quand même, et me dirige avec trépidation vers son bureau rue Sherbrooke.

La voix au téléphone m’avait semblée gentille, apaisante, et je ne suis pas surprise de voir que la dame à qui elle appartient est, elle aussi, d’apparence plutôt tranquille. Son bureau est assez ordinaire et je suis déçue de ne pas trouver un gros ottoman en cuir comme dans les films. Dans le coin, il semble y avoir un espèce de garde-robe, où je m’imagine qu’on retrouve un stock important de boîtes de kleenex, de même qu’un assortiment de housses pour le fauteuil pour quand les vrais névrosés épanchent leur âme meurtrie. Moi j’ai déjà décidé que :

1) Je ne lui parlerais jamais du rêve sexuel où je suis poursuivie par la tête de Guy A. Lepage montée sur un dildo géant plaqué or.
2) Je ne lui révélerais pas mon étrange obsession pour McMario et les mastermix de 9 heures.
3) Je ne lui avouerais pas ma passion malsaine pour toute chose Tupperware.

Bien sûr, je n’ai pas le choix de déballer tous ces faits troublants dans les dix premières minutes. C’est qu’elle est persuasive, ma psychologue. Ça débute avec un petit « Comment ça va? » innocent, elle passe à l’attaque avec un sournois « Vous pouvez vous asseoir là. » puis elle vous assène un coup mortel avec « On peut commencer tout de suite si vous voulez. » Ah, je suis sans défense devant tant de savoir-faire, d’habileté!

Au bout de quelques minutes, je sais maintenant à qui j’ai affaire, et je refuse de me laisser percer aussi facilement. Je suis une femme complexe, pleine de névroses insolites, oui monsieur, un véritable mystère de la psychologie moderne, et j’en veux pour mon 70$. Je m’invente ainsi un vol de sacoche manqué dans un stationnement de Loblaws, un passé de prostituée-héroïnomane membre d’une secte sataniste de St-Lambert, une ex-amante maintenant transexuée qui s’appelle Sonia/Roger, des enfants ignobles qui ont vendu un de mes reins à un Américain, un patron libidineux et cruel qui nous force à voler des cartouches d’imprimante qu’il vend sur le marché noir pour financer ses après-midis au casino… Après la première demi-heure, je vois qu’elle commence à transpirer, qu’elle tremble un peu. Après une heure, son oeil gauche a comme un tic nerveux. Moi je me sens beaucoup mieux, vraiment ressourcée, heureuse d’enfin pouvoir en parler à quelqu’un (ok, c’est pas vrai tout ça, mais n’avez-vous jamais entendu parler du pouvoir guérissant de la fantaisie?).

« Nous allons devoir conclure. » me dit-elle, se levant précipitamment pour ouvrir la porte.

« D’accord. Est-ce qu’on prend rendez-vous la semaine prochaine? »

« Euh, non, malheureusement, je ne pourrai pas poursuivre la thérapie avec vous. »

« Comment ça? Je croyais que ça allait si bien? »

« C’est pas ça. C’est que…que… » Elle fuit mon regard, examine attentivement le bout de ses souliers. Je suis complètement ahurie.

« Quoi? Qu’est ce qui pourrait justifier l’abandon de vos responsabilités professionnelles? Nous sommes dans une relation d’aide! Vous devez m’aider! »

« Non, je ne peux continuer à vous voir parce que… parce que… je traite aussi Sonia/Roger. »

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Bah, fais-toi en pas, y'a des tonnes d'autres psys. Y'a sûrement des cartes qui traînent sur le comptoir de la secrétaire de ton médecin de famille. C'est là que j'en avais trouvé un, quand j'ai fait mon premier burn-out. Remarque que j'étais tombée sur un spécialiste des cas de cancer en phase terminale... ouin, à y penser, c'était pt'être pas une bonne idée...

Anonyme a dit...

...Vraiment, je me délecte de tes anecdotes...

je me dépêche de lire la suite..

on se connait??