26 janvier 2007

Tout le monde en braille

"Madame W, c'est à votre tour… Si j'étais vous, je ferais attention, Guy A. est vraiment d'une humeur massacrante et il vient de faire brailler Roy Dupuis comme un bébé." "Roy Dupuis, vraiment? Qu'est-ce qu'il lui a dit?" "Qu'il avait l'air de patiner sur la bottine dans Maurice Richard et que tout le monde trouvait Nikita super poche mais que la CBC nous payait pour l'écouter." Ouch. Tout d'un coup j'ai bien hâte de retourner chez nous et je me dis que mon début à la télé pourrait bien attendre un millénaire ou deux. Rien ne presse.

Mais manque de pot, la petite assistante goth choisit ce moment pour me pousser de toutes ses forces vers l'entrée du studio. Je me retrouve sous les projecteurs et je resserre instinctivement mon châle de bohémienne de Greenfield Park autour de mes épaules malgré la chaleur. Je me rends compte rapidement que mon choix d'outfit est déplorable. Tout le monde est de cuir noir vêtu. Les filles ont l'air cochonnes mais pas trop et les gars font macho métrosexuel à souhait. Je ressemble à une retraitée dans les affiches du gouvernement provincial pour l'assurance médicaments.

"LadyW…Tiens tiens." Guy A. me lance un regard sadique tout en triturant ses petites cartes diaboliques. Les autres invités évitent mon regard, l'auditoire peut sentir le sang qui s'apprête à couler à flots. Roy a les yeux bouffis et l'air abruti, quoique c'est plutôt naturel chez lui, mais en tout cas… J'ai peur.

"Vous avez dit, et je cite:" J'haïs Tout le monde en parle parce que je trouve que Guy A. Lepage est un parvenu fendant qui a la prestance d'un radis et le sens de l’humour d’un ado désaxé." C'pas très fin ça, n'est-ce pas, mes amis… Madame W devrait être punie, et ça devrait faire mal, très mal…" Je proteste: " Oui, mais là j'étais fâchée parce que vous n'avez même pas ri d'Éternelle quand vous avez interviewé Caroline Néron. Elle était tout le temps toute nue et c'était évident que le film était juste une excuse pour la voir frencher d'autres filles!" "Ce que je choisis de discuter avec la charmante mademoiselle Néron c'est mon affaire, ce qui me préoccupe, c'est votre manque d'objectivisme… J’ai raison d’être fendant, c'est pas de ma faute si j'ai par moi-même profondément transformé la face de l'actualité au Québec depuis 2004… Si j'ai tout seul mis André Boisclair, un bellâtre gai et ex-cocaïnomane, sur la mappe de la politique québécoise grâce à mes questions perspicaces. Ah oui, madame W, c'est évident que c’est vous qui avez un problème, un GROS problème!"

(L'auditoire pendant ce temps s'est levé et brandit maintenant un assortiment de fourches et de couteaux qui semblent avoir été gracieusement distribués par l'équipe de production. Je sens une odeur de brûlé et me rends compte que mon châle est en feu et que l'assistante goth a profité de mon désarroi pour m'enchaîner au tabouret en plastique. Guy A. rit à gorge déployée, ses invités aussi, soulagés de ne pas être à ma place. Et dire que je n'aurai même pas goûté au vin gratos de la semaine. Maudit. Les murs se referment, Radio-Canada s'embrase et je me réveille.)

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Vous êtes très drôle ! c'est très bon et j'aime beaucoup votre style.

Anonyme a dit...

Ayant tout juste terminé la lecture de votre blogue (au grand complet), j'aimerais apporter une correction à mon message de 7:25...

Vous n'êtes pas drôle, vous êtes MOURANTE !!! ... et peut-être un peu folle mais ô combien divertissante!

Anonyme a dit...

J'ai découvert votre blogue par l'entremise de celui de Mère Indigne. J'ai l'ai devoré en entier et je suis maintenant fan! Textes savoureux!
Merci!